Du 15 septembre au 20 novembre 2022
Pauline Jurquet,Benoît Rouer
Le bicéphale, deux artistes...
"Pauline Jurquet est céramiste. Elle entretient un rapport charnel, fusionnel voire épidermique avec la matière qu'elle utilise comme le prolongement d'elle-même, comme une seconde peau. La terre est exploitée pour son potentiel de corporéité, dans toutes ses latitudes, de la rudesse du grès à la délicatesse de la porcelaine.
Benoit Rouer est peintre. Son travail, très attaché aux signes et aux symboles, est une poésie picturale proche des écrits et des œuvres d'artistes sismiques ayant poussé leur conscience jusqu'à une certaine extrémité.
Les genres se sont peut-être troublés au jour de leur rencontre et de la naissance du « Bicéphale », nom et lieu d'une pratique artistique marquée par une esthétique de la réactivation des sens, par une approche sensorielle et peut-être aussi un peu philosophique des choses.
Le potentiel magique de la matière voit germer dans cette synchronicité un univers hautement sensible où se combinent un désir créatif commun et une extraordinaire imagination. Sont-ce les objets du désir de la mémoire et les allégories du souvenir qui en découlent ? Dans tous les cas ils sont chargés d'énergie et suintent de physicité.
« La bête expérimentale» à deux têtes et deux directions a engendré un morceau de monde onirique et surréaliste débordant d'une douce magie."
Alain-Jacques Lévrier-Mussat
Temps forts
- Jeudi 15 septembre à 19h
Vernissage de l’exposition en présence des artistes
Entrée libre
- Vendredi 16 septembre à 20h30
en partenariat avec le festival poésie dans les chais
Soirée lecture-video-Poésie
avec Matthieu Corpataux et Valentin Kolly (Fribourg), Stefano Christen (Berne).
Un trio d'artistes trentenaires du collectif de la revue L'Epître, parmi les plus inventifs de la très fertile Suisse Romande. Ils sont poètes, compositeurs et cinéastes. Un monde de textures nouvelles et sonorités à découvrir absolument.
Tarifs: 12 € non-adhérents, 8 € adhérents et étudiants, gratuit pour les moins de 18 ans. Places limitées, réservation vivement conseillée. - Dimanche 6 novembre à 11h
A l'initiative de Service Culture du Pays de Nay:
"Peindre les mots"
Lectures poétiques de textes de Francis Ponge et autres poètes, accompagnées au bandonéon par Daniel Brel.
Durée 30 minutes, à partir de 8 ans. Les lectures seront suivies d'un brunch.
A cette occasion, la Minoterie ouvrira exceptionnellement ses porte de 9h30 à 18h.
Libre participation
- Dimanche 20 novembre à 15h
Rencontre et échanges avec Pauline Jurquet et Benoît Rouer
Libre participation
Le 11 août 2022
A Monsieur Rouer et Madame Jurquet
Etrange terme que celui de « queue-d'aronde » à la sonorité harmonieuse, légère et si envoutante, au point de nous entrainer dans un songe et d'imaginer le ballet d'une cohorte de poissons écarlates ou le chant croisé d'oiseaux exotiques. La phonétique du mot suinte en effet d'une douce poésie. La réalité serait-elle plus prosaïque ? Oui, car en fait c'est une pièce de bois mécanique qui en appelle une autre. Lorsqu'on les emboîte, lorsqu'on les met en œuvre, l'esprit peut vagabonder à nouveau... L'assemblage ressemble à des mains qui se serrent, une correspondance en quelque sorte comme dans un tableau de Georges de la Tour où un vieillard manipule un outil similaire tout en redressant son regard en direction d'un enfant aux traits d'ange et au visage irradié. Une queue-d'aronde, c'est donc un trait d'union.
Ponctuant l'espace, dans la déambulation mise en scène, la forme en chapiteau se répète telle une litanie colorée. Le motif est désormais séduisant. Il s'est paré de ses plus beaux attributs. Grâce aux multiples tonalités, Il a perdu sa monotonie ou plutôt l'absence raisonnable de charme qu'il inspire à l'accoutumée. Comme une borne scellant le périmètre d'un chemin, ou d'un cheminement, voilà qu'il s'étiole et se multiplie en quatorze stations. L'un de vous confesse les avoir peintes à la lueur des correspondances de Vincent Van Gogh et de son frère Théo. L'autre en a été le témoin. Etrange encore cette métamorphose en un sentier de ronde... Est-ce celui du patio fleuri bordé de colonnes de l'hôpital de Saint-Rémy ? Un pèlerinage où, même dans l'enfermement, le corps est capable de se transporter, l'œil est capable de se transcender, dans une puissante communion avec la nature pour livrer ses fruits au monde.
Et ces richesses, il y en a à profusion, en « abondances ». Dans cet Eden ou ce jardin des délices, même s'il est cerné d'épais murs, les cornes majestueuses se redressent dans un élan de sérénité, dans une beauté charnelle et tactile. On dirait des bijoux éparpillés à même le sol. Les « lagomorphes » imposants inondent le grand mur de leur surprésence. Comme le lièvre de Dürer, ils veillent. Ici l'animal est réduit à une silhouette relativement indéfinie. Un état de conscience de l'ailleurs. Peut-être un murmure, mieux encore un leitmotiv, c'est un mot que vous semblez apprécier. La formule répétée évoque tour à tour le dessin d'un être ou d'une chose, des fleurs, des croissances bulbaires, des traces... Les bestioles sont comme ces grands nuages aux formes changeantes que l'on aime à observer. Au pied, les céramiques précieuses, façonnées de mille empreintes de porcelaine, se laissent caresser d'un regard. Il faut les avoir faites avec passion, probablement avec amour... On les toucherait du doigt pour sentir leur densité. Les « papillaires » et les « présences » révèlent le grouillement d'un monde intérieur. Elles nous sont familières et pourtant inconnues comme autant de refuges réconfortants sous un ciel en métamorphose permanente...Je ne sais plus qui disait « quand tu es seul, soit pour toi-même une foule ».
Alain-Jacques Lévrier-Mussat