du 8 février au 11 mars 2018
du jeudi au dimanche de 14h à 18h
En rejouant la célèbre formule de Magritte, « Ceci n'est pas une pomme ou ceci n'est pas une pipe », ne touchons-nous pas du doigts une parfaite illusion ?
Les définitions les plus élémentaires ne disent pas du blanc qu'il est une absence de couleur mais qu'il est, « d'un point de vue optique, la synthèse chromatique de toutes les longueurs d'onde visibles, c'est à dire de toutes les couleurs. C'est par le blanc que l'on peut comprendre que la perception des couleurs dépend uniquement de notre œil et de la lumière. Le blanc n’apparaît pas dans la gamme chromatique car il réfléchit la lumière alors que les autres la filtrent. Le blanc la disperse par réfraction pour révéler les autres »...
On comprendra que le regard habituellement porté sur les couleurs s'en tienne à l'association d'une teinte à un mot ou à une impression. L'introduction ne se pose jamais en ces termes lorsque l'on parle du bleu, du rouge, du jaune et des couleurs secondaires que sont le orange, le vert et le violet.
On se contente de les aimer...ou pas.
Quant au noir, si le blanc n'est aucune de ces couleurs, en serait-il alors la somme ?
L'histoire du blanc s'est écrite entre ces deux extrémités de perception.
La « feuille blanche », vierge, et si elle est uniformément éclairée, pourrait bien évoquer le rien. Donc l'absence. La non valeur.
Partant de ce rien, d'un point de vue rétinien, il n'en est précisément rien car la feuille blanche porte en substance toutes les couleurs !
Dans « Art », la pièce de théâtre de Yasmina Reza, trois amis s’étrillent pendant plus d'une heure sur la question de savoir si le monochrome acquis par l'un deux est uniformément blanc ou si ce blanc comporte des nuances.
Les mots ne suffisent pas toujours.
Si l'on considère le blanc plus simplement, on l'opposera au noir. L'un permet d’éclaircir, l'autre de foncer. L'un tend à la clarté, l'autre aux ténèbres. Le pas est franchi.
Dès l'époque préhistorique, c'est bien le blanc de craie naturelle qui révèle une magie lumineuse dans l'obscurité des parois de pierre.
De tout temps, le blanc aura permis d'accentuer le trait de l’écriture et de l’enluminure. Il est un révélant comme le « clair-obscur » en peinture qui deviendra à la Renaissance un symbole de vérité.
Les impressionnistes ont fait de cette valeur le révélateur époustouflant de la couleur. Corot avec ses irisations blanches initie le bourgeonnement et la vie naissante dans la peinture comme dans la nature. Monet disait que pour rehausser la clarté du paysage, il fallait d'abord le peindre en blanc.
Durant sa première période, Soulages préserve dans son œuvre consacrée au noir des réserves de blanc sur la toile qui laissent transpercer par contraste une lumière qui se révélera comme un aboutissement dans le travail ultime des vitraux de l'église de Sainte-Foy à Conques.
Chez Malevitch, en 1917, le carré blanc sur fond blanc est au contraire un état de commencement. Une purge qui jette aux oubliettes plusieurs décennies de Vénus impudiques. Par ce geste certes iconoclaste, Il passe « la souillure au blanc » pour tendre vers l’œuvre infinie. Il lave le regard, lui rend sa virginité pour créer un espace mystique infini.
Les peintres abstraits développeront tout un langage pour en faire une véritable « couleur de l’âme ». Mais une couleur à part qui n'est pas entachée. Denise Samson, dont l’œuvre a été récemment exposée à la Minoterie, le considère comme la strophe ultime d'une recherche d'ascèse et de pureté.
C'est dans la matérialité des blancs que prend forme l'immatérialité de la lumière. Le blanc permet donc de figurer, mieux encore de donner corps à l'impalpable.
En fonction des cultures, ses significations sont changeantes voire même inversées si l'on s'en tient à la question de la mort et du deuil par exemple.
Le blanc est une révélation que Robert Ryman portera à sa quintessence après les années 60, le considérant comme le seul équivalent de l'espace.
Philippe Audigeos, à l'honneur à l'occasion de cette exposition thématique, s'impose des matériaux peu réputés par leur noblesse: cendre, charbon, bois brûlés, ciment, plâtres travaillés, fer, ocres, carton, papier utilitaire, chiffon pour réaliser des compositions qui, en réagissant à l'effacement auquel il tend, révèle la spiritualité même du langage de l'art. Est-ce à dire que l'homme en cherchant à le recouvrir ait cherché aussi à s'en écarter pour occulter le silence ?
« Ceci n'est donc pas du blanc si l'on considère que le blanc n'est que du rien ».
Alain-Jacques Lévrier-Mussat
Découvrir l'oeuvre de Philippe Audigeos
temps forts
Dimanche 18 mars à 15h30
"ça manque de couleurs !": Parler d'art autrement
Dimanche 25 mars à 15h30
Visite de l'exposition par la Clowne Magnéto